Tshisekedi d’attaque, tout va se jouer à Luanda ! (Par Jean Kenge Mukengeshayi)


L’onde de choc n’a pas encore fini de se répercuter en RD Congo comme au-delà des frontières nationales, à la suite du récent entretien accordé par le chef de l’Etat Félix Antoine Tshisekedi au media congolais Top Congo FM à partir de Bruxelles. Un entretien à travers lequel il a tenu à faire tomber quelques tabous sur sa gouvernance et défini les limites des échéances qui attendent la RDC à court terme.

La principale image qui se dégage de cet entretien reste sans conteste, de l’avis de nombreux observateurs, la pugnacité du Président rdcongolais. Comme il l’a souligné lui-même, Félix Antoine Tshisekedi était d’attaque au cours de l’entretien, au point de ne pas hésiter à distribuer des coups à la ronde et à prendre date sur plusieurs sujets d’intérêt national.

Il en est ainsi de Paul Kagame, le dirigeant rwandais, traité sans ménagement de «criminel», sans doute pour souligner le fossé qui sépare chaque jour davantage les deux hommes et leurs pays. La deuxième pluie des coups s’est déversée sur le M23, le chef de l’Etat martelant à plusieurs reprises que « jamais » il ne saurait être question de négocier avec un mouvement qu’il avait déjà, précédemment, qualifié «de coquille vide».
D’autres personnalités ont également reçu des c oups, notamment du côté de l’opposition, parmi lesquelles Martin Fayulu Madidi de Lamuka et Moïse Katumbi Chapwe d’Ensemble.

Le premier ne reconnaît toujours pas les résultats des élections de 2023, tandis que le deuxième passe son temps à louvoyer sans aucune position claire, alors même que certains de ses partisans accèdent à des postes de responsabilité au sein des institutions.

Comment répondre, dans ce contexte, à la sollicitation pour davantage d’ouverture avec des personnes qui n’en veulent apparemment pas, s’est interrogé le Président de la République, qui a en revanche applaudi au comportement tout d’élégance d’Adolphe Muzitu Fumunsi et, dans une certaine mesure, du Dr Denis Mukwege qui, tout en gardant sa différence, ne manque pas de dire tout le bien qu’il pense de certaines initiatives du régime. De quoi rêver à des passerelles vers une sorte de pacte républicain ?

Reste le cas le plus emblématique concernant l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange. Ni plus ni moins, Félix Antoine Tshisekedi l’a publiquement accusé non seulement d’avoir boycotté les dernières élections de décembre 2023, mais aussi et surtout – circonstance aggravante – d’avoir misé sur le mouvement insurrectionnel du M23 dont il serait, selon le Président de la République, le parrain. Le chef de l’Etat a conclu ce chapitre en martelant sur la nécessité de remettre la justice au goût du jour.

Radicalisation
Sans doute une menace qui a été ressentie comme telle dans l’opinion. Au moment où la SADC vient d’interdire, selon des rumeurs persistantes, le séjour de l’ancien chef de l’Etat sur aucun territoire des pays membres, et que la Cour militaire de Kinshasa Gombe a prononcé la peine de mort contre Corneille Nangaa et consorts, tous ces éléments réunis tendent à démontrer qu’une nouvelle étape a été franchie dans la radicalisation de la position du chef de l’Etat congolais, Félix Antoine Tshisekedi qui a en outre ouvertement déclaré son intention d’ouvrir les placards pour en sortir les cadavres en putréfaction avancé.

On pense que ce développement a de quoi déboussoler le Rwanda, dès lors qu’il s’inscrit dans une dynamique politique interne qui a vu la RD Congo commémorer le 2 août, sur l’ensemble de son territoire et à l’unisson de tous les Congolais, le deuxième anniversaire de la journée du génocide congolais, dont l’épicentre a été la ville de Kisangani où était attendu Félix Tshisekedi.

Mais ce dernier n’a pas été en mesure de répondre au rendez-vous pour cause d’ennuis de santé. L’événement n’en a pas moins confirmé la volonté des Congolais dans leur ensemble de rester unis et de marquer au regard du monde la communion et la solidarité qui les animent face à la menace extérieure.

Au plan diplomatique, l’entretien avec Top Congo FM a permis à Félix Antoine Tshisekedi de lever un autre tabou qui agite l’opinion, en confirmant une fois pour toutes que la RD Congo était partie prenante au cessez-le-feu convenu à Luanda.

Une étape tout autant déterminante dans la mesure où elle a donné lieu, notamment, à des rencontres des experts des services de renseignements de l’Angola, de la RDC et du Rwanda pour attaquer la problématique Fdlr d’une part et, d’autre part, évoquer en même temps celle du retrait ordonné des troupes rwandaises.

La question restera à ce stade de savoir comment consolider le cessez-le-feu – en train d’être violé par les troupes rwandaises dans les localités entourant le lac Albert- et quel en sera le mécanisme de vérification.

Succès diplomatiques

La récente résolution 2746 du Conseil de sécurité a apporté du grain à moudre à la position de la RDC. Cette résolution autorise en substance un soutien renforcé de la Monusco aux opérations de la Mission de la SADC en RDC –SAMIDRC.

Concrètement, cela se ferait «à travers une coordination améliorée, en partage d’informations, et un soutien technique et logistique, dans le but de renforcer les capacités de la SAMIDRC tout en assurant le respect des normes internationales en matière de droit international humanitaire et de droits de l’homme».

Plusieurs observateurs estiment que cette résolution devrait se traduire par l’augmentation de la capacité opérationnelle des troupes de la SADC dans l’Est de la RDC. Ils se demandent cependant s’il ne s’agit pas d’une prolongation tacite au profit d’une Monusco que les Congolais croyaient sur le départ…

Quel sera l’impact de cette résolution sur le cessez-le feu, dont les modalités continuent d’être discutées autour de la table à Luanda, et ses effets ? La question se pose, tout comme celle de savoir, accessoirement, jusqu’où irait le Conseil de sécurité pour faire respecter sa résolution.

Il reste toutefois à noter que cette dynamique se conjugue avec la montée au créneau des Etats-Unis d’Amérique, dont le rôle a été publiquement salué par le Président Tshisekedi au cours de l’entretien avec Top Congo FM, contrastant avec une opinion publique congolaise généralement méfiante à l’égard de Washington.

Selon le Président de la République, c’est notamment à la demande du Rwanda que les Etats-Unis se sont diligentés pour proposer la trêve humanitaire puis le cessez-le-feu de Luanda. Les Etats-Unis ont par la suite dénoncé dans les termes les plus fermes l’opération de brouillage entreprise par les troupes rwandaises dans l’Est et qui comportent des menaces réelles pour la sécurité aérienne.

Le Président congolais a salué, dans la foulée, le rôle de plus en plus important de la Belgique, au sein de l’Union Européenne comme dans les grands lacs ainsi que sur la scène internationale, pour mettre fin au conflit dans l’Est de la RDC.

Il restera évidemment à mettre la scène politique nationale au diapason des événements qui se déroulent et dont les enjeux s’annoncent cruciaux. En plus du nettoyage dans les institutions que l’opinion réclame depuis le début du deuxième mandat du chef de l’Etat et qu’on a senti en filigrane de son entretien avec Top Congo FM, Félix Antoine Tshisekedi n’a pas exclu des modifications pertinentes de certaines dispositions de la constitution pour aboutir à un meilleur fonctionnement des institutions du pays.

Fil d'actualités

Sur le même sujet