Trois questions à un expert congolais sur la Journée mondiale des sols

La Journée mondiale des Sols, célébrée chaque année le 5 décembre, met en lumière l’importance fondamentale des sols pour la vie sur la Terre. Le thème de cette année, « Prendre soin des sols : mesurer, surveiller, gérer », rappelle que des sols en bonne santé sont essentiels pour garantir la sécurité alimentaire, préserver l’environnement et bâtir une économie durable en République démocratique du Congo.

A cette occasion, l’ACP a abordé un expert en la matière, le professeur Jean-Robert Nzanza Bombiti, expert en agriculture intelligente, santé des sols et durabilité. Il est actuellement engagé dans des études avancées en intelligence artificielle et apprentissage automatique à l’Université du Texas (États-Unis), et il a également suivi une formation avancée en santé des sols à l’Université Cornell aux États-Unis. 

Question 1 : Professeur Nzanza, que vous inspire le thème « Prendre soin des sols : mesurer, surveiller, gérer »  de la Journée mondiale des sols 2024 dans le contexte de la RDC ?

Réponse : Ce thème est d’une pertinence cruciale pour notre pays, la République démocratique du Congo (RDC). Nos sols sont une richesse sous exploitée qui pourrait transformer notre économie si nous adoptons une gestion rigoureuse et scientifique. Voici ce que le thème m’inspire. Mesurer : la base de toute gestion durable. Les analyses de sols permettent de connaître leur état chimique, physique et biologique. Par exemple, un sol appauvri en nutriments comme le potassium nécessite des apports ciblés pour maximiser les rendements.

Surveiller : une fois les sols mesurés, il est essentiel de suivre leur évolution pour anticiper les risques, comme l’érosion ou la perte de matière organique. Les technologies modernes, comme les drones et l’intelligence artificielle rendent cette surveillance plus précise et accessible.

Gérer : la gestion durable des sols implique une approche intégrée : rotation des cultures, cultures de couverture, compostage, utilisation ciblée des intrants, et valorisation des déchets organiques.

Message clé : prendre soin des sols, c’est assurer la sécurité alimentaire et la prospérité économique de notre nation. Chaque sol en bonne santé est une richesse pour les générations futures.

Question 2 : la vision présidentielle de « La revanche du sol sur le sous-sol », comment l’interprétez-vous et comment peut-elle transformer l’agriculture en RDC ?

Réponse : la vision de « La revanche du sol sur le sous-sol » est un appel à diversifier notre économie. Pendant des décennies, la RDC a misé sur ses ressources minières, mais cette dépendance ne garantit pas une prospérité durable et inclusive. Le sol, en revanche, offre une opportunité économique durable : l’agriculture, si elle est bien gérée, peut générer des emplois massifs et stabiliser les revenus des populations rurales. Le sol offre une sécurité alimentaire accrue. En valorisant nos terres arables, nous pourrions non seulement nourrir notre population, mais aussi exporter des produits agricoles.     

Il y a aussi une contribution environnementale : les sols en bonne santé absorbent le carbone et contribuent à la lutte contre le changement climatique. Un exemple concret :

à Kinshasa, nous produisons environ 10 000 tonnes de déchets par jour, dont 50 % sont organiques. Ces déchets, transformés en compost, pourraient enrichir les sols et réduire notre dépendance aux engrais chimiques importés.

Message clé : « En mettant l’agriculture au cœur de notre développement, nous transformons les défis de la RDC en opportunités. Le sol, et non le sous-sol, est la base de notre souveraineté économique. »

Question 3 : Quels sont les facteurs clés pour garantir le succès des 60 000 hectares de cultures annoncés par le ministère de l’Agriculture ?

Réponse : Avant tout, je tiens à saluer l’extraordinaire leadership du ministre de l’Agriculture et son engagement à transformer l’agriculture en RDC. L’initiative des 60 000 hectares de cultures est ambitieuse et prometteuse, et témoigne d’une vision stratégique pour diversifier notre économie et renforcer la sécurité alimentaire.

Cependant, pour assurer le succès de cette initiative, plusieurs facteurs clés doivent être pris en compte. Il y a d’abord la santé des sols : des analyses préalables doivent être réalisées pour comprendre les besoins spécifiques de chaque région.

Il y aussi la technologie et l’innovation : l’intelligence artificielle peut jouer un rôle crucial en fournissant des recommandations personnalisées, comme le moment optimal pour semer ou la quantité exacte d’eau et d’engrais nécessaires.

La cartographie des sols permettra d’identifier les zones critiques, d’orienter les interventions et de maximiser les rendements.

Un autre facteur à prendre en compte, c’est la formation des agriculteurs : ils doivent être formés aux meilleures pratiques agricoles, notamment la rotation des cultures, l’utilisation rationnelle des intrants et les techniques de conservation des sols.

La santé des sols est la clé d’une RDC prospère. Mesurons, surveillons, et gérons nos sols avec soin et innovation. Grâce à une vision stratégique et à une action collective, nous pouvons faire de notre pays un leader en agriculture durable.

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