L’Académie des beaux-arts (ABA),fondée en 1943 par les missionnaires catholiques, sous la dénomination de l’ « Ecole Saint- Luc » à Gombe Matadi, en province du Kongo Central, en République démocratique du Congo (RDC) est la première école africaine d’initiation aux arts plastiques qui continue à faire ses preuves, dans la création des sculpteurs, des céramistes, et des artistes visuels dont les oeuvres sont remarquables.
« Notre institution a été fondée à Gombe Matadi dans l’actuelle province du Kongo Central par un peintre talentueux, Marc Stanislas Wallenda. A l’origine, elle se nommait Ecole Saint-Luc et ne disposait que d’une seule orientation : la sculpture», a dit le directeur général de l’Académie des beaux-arts (ABA), le directeur général, le Pr. Henri Kalama.
« Les débuts furent laborieux et pénibles. Mais, le religieux convaincu et l’artiste talentueux eut raison des difficultés innombrables. L’école d’art de Gombe Matadi débuta par la sculpture, art déjà développé traditionnellement au Congo et matériellement le plus accessible pour le frère-fondateur », a expliqué Me Bamba Ndombasi, un des premiers élèves de cette école dans un extrait dans son document inédit : Me Bamba Ndombasi « L’Académie des Beaux-Arts de 1943 à 1975 ».
Le fondateur de l’ABA, Marc Victor Stanislas Wallenda est un religieux, membre de la Congrégation des frères des écoles chrétiennes qu’il a rejoint en 1933. Il fit ses études à l’Ecole Saint-Luc de Tournai, d’où il obtint, le 30 août 1938, le diplôme de Grand prix de peinture.
Une année plus tard, en 1939, tout jeune avant la 2ème Guerre mondiale, il travaille de concert avec ses confrères qui dirigeaient l’école professionnelle de Tumba, avant de créer en 1943, l’Ecole Saint-Luc de Gombe-Matadi, près de Thysville (actuellement Mbanza-Ngungu), avec comme section la sculpture, avec comme premiers élèves, Winegwane et André Lufwa.
C’est en 1949, sur décision du ministre belge des colonies, que cette école a été transférée à Kinshasa, capitale de la RDC. Cette migration sera bénéfique à l’école qui verra d’autres orientations s’ajouter, notamment la peinture (1950), la céramique (1953) et la section de dessinateurs en architecture (1958) pour ne citer que ces filières.
Aux heures maigres des origines, a poursuivi Me Bamba, le Frère Marc se mit à peindre. En effet, en 1950, au Collège Albert, il tint sa première exposition avec le peintre Marques. Et pour un coup d’essai, ce fut un véritable coup de maître : tous les tableaux trouvèrent des acquéreurs. Cette grande expositionattira presque tous les gouverneurs des provinces du Congo Belge, permettant ainsi d’accroitre la légitimité de cette école dans la capitale. Ainsi, le Frère Marc put inaugurer son école d’art qu’il voulut baptiser « Ecole Saint Luc ».
On assiste donc à un impact exceptionnel, par l’éclat des productions du maitre et de ses élèves qui triomphent dans les expositions nationales et internationales.
Marc Wallenda avait été combattu par les colons parce qu’il donnait aux noirs considérés comme inférieurs un enseignement artistique réservé aux blancs. Son optimisme l’avait convaincu que les nègres avaient les mêmes aptitudes que les blancs.
« Artiste laborieux, gai, bâtisseur et humaniste, la personnalité de Marc Wallenda va rejaillir sur ses élèves. Il tenait à former un artiste méticuleux, adroit et parmi les élèves pionniers de l’Ecole Saint- Luc qui ont brillé par leurs réalisations, on peut citer : André Lufwa, Mankana, Penenge Mboyo (auteur de l’oeuvre « Esclaves enchainés »), Grand prix de l’Ecole Saint-Luc de Belgique, Dikueno, Kiangebeni ».
Dès son arrivée à Kinshasa jusqu’à ce jour, l’Ecole Saint-Luc occupe toujours le même site lequel prendra le nom de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa en 1957.
La réforme de 1960 avait permis de donner naissance aux humanités artistiques. Celle-ci s’était poursuivi en 1968, sous la direction du Frère Lafarge (Bembika), avec la création de l’Institut supérieur des arts plastiques (ISAP).
Cet institut dirigé sur le plan académique par l’archéologue et historien d’art, le Frère Joseph Cornet avait eu comme préoccupation majeure, la formation des artistes d’un type nouveau : des intellectuels aptes à la réflexion et à la recherche, doublés d’un métier d’art solide.
Mêmes aptitudes
La réforme de l’enseignement à l’ABA de Kinshasa opérée entre 1958 et 1968,avait été menée en ce qui concerne l’architecture, par le Frère Manuel Vanditen à qui ont succédé les Frères Frans Jan Van Strydonck et Henri Vandermeeren.
Tandis que les arts plastiques, sont l’œuvre du Frère Maxence Evrard, secondé à partir de 1965 par le Frère André Lafarge.
En 1970, s’ouvre la section « Publicité et l’Ensemblier-Décoration », suivie en 1972 de « Métal battu ». La réforme de 1971 avait réunifié les Instituts supérieurs et les trois Universités que comptait le pays.
Dans ce contexte, l’Institut supérieur des arts plastiques comme celui d’Architecture avaient fusionné en tant que sections avec l’Institut des bâtiments et des travaux publics (IBTP) sous l’ancienne appellation d’Institut national des travaux publics (INPT) dont la direction générale avait été confiée à M. Bembika Nkunku et les sections Arts plastiques à Me Liyolo Limbe M’puanga et celle d’Architecture à l’architecte Mukadi Mbayi.

(Photo archives)
Avant la prise de fonctions de l’actuel directeur général, le Pr Henri Kalama Akulez, l’ABA avait connu neuf directeurs généraux dont les trois premiers furent d’origine belge. Il s’agit :
- Le révérend frère Marc Stanislas Wallenda (1943-1960/1964-1965)
- Le frère Maxence (1963-1964) Le frère Denis de Schepper (1963- 1966).
- Le révérend frère André Lafarge Bembika (1967-1985/ 1985-1986)
- M. Pululu Kingumba (1986/ 3 mois)
- Le Pr Liyolo Limbe M’puanga (1986-1990)
- M. Kitenda Kia Masiala (1990- 1997)
- M. Shongo Lohonga Dangi (1997- 2012)
- M. Missassi Kabwith (2012-2016)
- M. Henri Kalama Akulez (2016 à ce jour)
Une pépinière
Actuellement, l’ABA a deux sections à savoir : les Arts graphiques et les Arts plastiques. Les arts graphiques dispose de deux départements : l’architecture d’intérieur et la communication visuelle tandis que les Arts plastiques ont cinq départements : la céramique, la conservation et restauration des oeuvres d’art, le métal, la peinture et la sculpture. A ces deux sections, il faudrait ajouter l’Ecole d’application qui constitue une véritable pépinière formant en amont les futurs artistes.
« Les missions assignées par le législateur à notre Etablissement sont double : celle de former des cadres supérieurs spécialisés dans les domaines des arts graphiques et plastiques ainsi que celle de promouvoir la recherche des techniques nouvelles dans les domaines précités, en vue de garantir l’épanouissement de l’art congolais moderne », a dit Henri Kalama.

Il a affirmé que l’Académie des Beaux-arts de Kinshasa remplit les missions sus mentionnées avec comme preuve « la notoriété internationale des artistes issus de son institution : Kamba Luesa, Ndamvu, Penenge, Nginamau, le Pr. Bamba, Me Lufua, le Pr. Liyolo, Me Lema, le Pr. Botembe ».
« Certes, il est légitime de se réjouir des prouesses de nos artistes. Mais, en même temps, nous réalisons qu’en fait, ces prouesses là sont de véritables challenges pour notre institution qui est obligée de maintenir non seulement le cap d’une formation de qualité, mais aussi de continuer à s’améliorer, car l’art est un domaine dynamique et non statique », a-t-il dit.
Et d’ajouter « Et puis l’arrimage de notre formation aux standards internationaux passe aussi par l’ouverture des filières qu’on retrouve dans d’autres Académies mondialement connues, principalement la Photographie et le Design ».
Aux normes internationales
Par ailleurs, le directeur général de l’ABA, le Pr Henri Kalama a indiqué que son comité de gestion travaille d’arraches pieds pour relever, au quotidien les défis de transformation de cet établissement d’enseignement supérieur en une institution moderne répondant aux normes internationales.
« L’ABA doit être une institution qui dispense bien des enseignements à la lumière des normes internationales, qui a un corps enseignant qualifié, des matériels de travail adéquats, des intervenants qui sont actifs et une bonne bibliothèque », a-t-il déclaré.« Parler de la formation à l’ABA, c’est faire allusion non seulement de son école et mais aussi de musée en plein air qu’elle dispose. Le site académique est inondé des oeuvres d’arts qui datent d’une cinquantaine d’années. C’est toute une histoire », a-t-il ajouté.