Conseil d’Etat : les mécanismes de contrôle des actes administratifs des autorités centrales  évoqués

Kinshasa, 6 novembre 2024 (ACP).- Les mécanismes de contrôle des actes administratives des autorités centrales par le Conseil d’Etat ont été évoqués mardi, par la première présidente de cette haute juridiction, lors de l’audience solennelle de la rentrée judiciaire 2024-2025 à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo(RDC), en présence du Chef de l’Etat. « En ce qui concerne l’Administration centrale, le législateur a attribué au Conseil d’Etat, la particulière compétence de contrôler et, si possible de censurer, les décisions prises par les autorités administratives centrales, en violation du principe de la légalité », a déclaré Marthe Odio Nonde, première présidente. Elle a indiqué  qu’il revient au Conseil d’Etat, de vérifier la conformité, de toutes les décisions administratives, aux différentes normes qui leur sont supérieures et auxquelles elles se réfèrent. Ces normes de référence sont : la Constitution, les traités et accords internationaux, les lois organiques, les lois, les règlements, mais aussi la jurisprudence, la coutume et les principes généraux de droit. Pour satisfaire l’intérêt général, l’Administration utilise entre autres moyens, les « actes administratifs ». Il s’agit de tout acte juridique pris dans le cadre de l’Administration, et dans un but d’intérêt général ». Pour ce faire, elle a fait savoir que l’on distingue l’acte administratif unilatéral, et dans une certaine mesure le contrat administratif. L’acte administratif décisoire est pris par l’autorité administrative unilatéralement, en modifiant l’ordonnancement juridique, ou les droits et obligations à son bénéficiaire, a-t-elle ajouté, soulignant qu’on parle plus simplement d’une « décision administrative », Il en est ainsi d’une décision explicite ou expresse, d’une décision implicite ou tacite d’acceptation ou encore, d’une décision d’autorisation ou de rejet. « Par rapport à leurs portées, l’Administration peut également prendre des décisions administratives d’une part, non réglementaires c’est-à-dire des décisions individuelles, collectives ou particulières, et d’autre part, celles règlementaires » a renseigné Mme Odia, précisant que conformément aux articles 155 de la Constitution et 85 de sa loi organique , le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort, des recours pour violation de la loi, formés contre les actes, règlements et décisions des autorités administratives centrales en vue de la vérification de leur conformité à la loi. A travers ces dispositions, a dit la première présidente, le législateur congolais a consacré le principe de légalité des actes administratifs. Ce principe, a-t-elle dit, exprime la soumission des autorités administratives au droit. Autrement dit, dans un Etat de droit, les actes pris par les autorités administratives, doivent être conformes aux normes juridiques en vigueur. Tel que consacré par le principe de légalité qui s’impose également à l’Administration. Cependant, le principe de légalité connaît de limites dont les circonstances exceptionnelles, étant donné leurs caractères imprévisible et insurmontable. Il s’agit de cas de force majeure, l’état d’urgence et l’état de siège de la Constitution. Elle a fait remarquer qu’il est admis que dans certaines situations de crise, il faut faire le choix entre la survie de l’Etat et le respect strict du droit. Cette restriction, a dit la première presidente, concerne également les actes de gouvernement qui échappent à tout contrôle juridictionnel. Elle a, en outre, relevé que conformément aux dispositions constitutionnelles et légales en la matière, le Conseil d’Etat, dans sa section du contentieux, est compétent pour connaître en premier et dernier ressort, des recours en annulation pour violation de la loi, ou du règlement formés contre les actes, règlements, décisions des autorités Administratives centrales, Mme Odio, a souligné que les différents cas d’ouverture, ou motifs de contrôle par voie d’annulation sont organisés par la loi ou forgés par la jurisprudence et la doctrine. En ce qui concerne le contrôle de légalité, a-t-elle dit, il se réalise par la vérification de la violation de la loi, de l’édit, du règlement, de la coutume et des principes généraux de droit.

Nécessité d’installer les juridictions administratives  inférieures en RDC

Par ailleurs, Mme  Marthe Odio a également relevé la nécessité de rendre effective l’installation des juridictions administratives inférieures au profit du Conseil d’Etat en République démocratique du Congo (RDC). « Le Conseil d’État continue d’attendre impatiemment du gouvernement l’adoption de deux projets et la signature des décrets par Mme la première ministre, ce qui permettra l’installation effective de ces juridictions et le fonctionnement harmonieux des juridictions inférieures de l’ordre administratif », a soutenu Marthe Odio Nonde, première présidente du Conseil d’Etat. « Conformément aux dispositions des articles 60 et 69 de la loi organique numéro 16 du 15 octobre 2006 portant organisation, compétences et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif » , a- t- elle dit. Elle avait transmis au cabinet du ministre d’État, ministre de la Justice et garde des Sceaux, deux lettres accompagnées de deux projets de décrets d’organisation judiciaire fixant les sièges et ressorts d’une part, des Cours administratives, et d’autre part, des tribunaux administratifs, a-t-elle informé. Mme Odio a également plaidé pour la régularisation de la question relative au délai du recours en matière électorale, ainsi que la dotation  du Conseil d’État d’un bâtiment approprié, l’actuel étant en ruine et menacé de l’écroulement. Tout ceci, selon elle, va concourir à l’amélioration des conditions de travail du personnel.

Etude prospective du rôle de l’OMP

 De son côté,  le procureur général près le Conseil d’ Etat, Antoine Félicien Iluta Ikombe  qui a axé sa mercuriale sur l’étude prospective du rôle du Ministère Public, pour une justice administrative plus efficiente en République démocratique du Congoa indiqué que l’intérêt du sujet, du reste évident, procède de la nécessité et de l’exigence essentielle d’un Ministère Public fort dans l’administration de la justice administrative. Cette étude, a-t-il dit s’inscrit aussi dans l’attente des acteurs judiciaires et extrajudiciaires impliqués dans le procès administratif congolais qui partagent un sentiment mitigé sur la rigueur de cette justice, avant de souligner que l’objectif visé est celui de relever les difficultés et les limites du rôle du ministère public administratif dans l’état actuel de notre législation sur la justice administrative d’une part, et d’autre part d’impulser l’évolution législative de la question par des propositions de lois aux fins de rencontrer finalement les attentes des justiciables au niveau des juridictions de l’ordre administratif. Parlant du rôle du Ministère public près les juridictions de l’ordre judiciaire, il a indiqué ce dernier intervient depuis les investigations jusqu’à l’exécution des décisions en passant par les réquisitions devant les juridictions. A ce titre, a-t-il dit, il exerce ses compétences aussi bien en matière répressive qu’en matière de droit privé. En ce qui concerne  sa nature juridique, il a relevé que cette question a suscité quelques débats depuis un certain temps dans l’arsenal judiciaire congolais, caractérisé par la subordination hiérarchique, l’indépendance, l’unicité et l’indivisibilité, alors que  le magistrat du parquet est membre du pouvoir judiciaire au même titre que celui du siège. Antoine Félicien Iluta a, par ailleurs soutenu que le droit d’injonction reconnu au ministre de la Justice, conformément à l’article 70 de la loi organique relative aux juridictions de l’ordre judiciaire, a laissé croire à une certaine opinion que le ministère public relèverait du pouvoir exécutif, ou tout au moins, confirmerait son caractère hybride, précisant que le doute à ce sujet a été dissipé définitivement lorsque le Conseil d’Etat de notre pays, saisi par la requête du Vice-Premier ministre, ministre de la justice, a affirmé dans son avis motivé du 18 mai 2020 que l’Officier du Ministère public est un magistrat à part entière, il fait partie du pouvoir judiciaire.

La médiation et la conciliation dans le règlement du contentieux d’annulation en RDC

Pour sa part, Me Michel Shebele, bâtonnier  national a planché dans son allocution sur  la Médiation et la conciliation dans le règlement du contentieux d’annulation en RDC. Il a, à cet effet rappelé qu’en vertu de l’article 154 de la constitution, il a été institué les  juridictions de l’ordre administratif composées du Conseil d’Etat et des cours et tribunaux administratifs ainsi que des parquets y attacher, soulignant que le Conseil d’Etat est donc la plus haute juridiction administrative de notre pays. Les arrêts du conseil d’état rendus dans le cadre du contentieux d’annulation sont-ils tous effectivement exécutés? Il a, par ailleurs, déploré la non-exécution de certains arrêts rendus dans le cadre du contentieux en annulation avant de proposer le recours à un autre mode de justice prévu par le législateur lui-même, devant les juridictions administratives dans le cadre du contentieux d’annulation afin d’éviter à tout moment les frustrations des justiciables causés par cette inexécution et sans que cette démarche soit considéré comme signe du désespoir.

ACP/C.L.

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