LES DEFIS : La résiliente Eglise catholique face à l’émergence  des Eglises du réveil en RDC (Par Joseph Kimba)

À l’heure de la première visite en République démocratique du Congo de l’Argentin Jorge Mario Bergolio, élu pape le 13 mars 2013, un phénomène a élu domicile : l’émergence des incontournables Églises dites, du réveil spirituel.

Le jugement de cert1ins Congolais et des observateurs est parfois sans appel puisqu’ils les considèrent comme «l’opium du peuple» dans un pays traditionnellement domi­né par le catholicisme romain.

les Eglises de réveil ont provo­qué des bouleversements dans les pratiques religieuses en ce qui concerne surtout la prière, la pro­phétie, le témoignage, l’enseigne­ment, la bénédiction, le dialogue, la lecture, les cris de slogan, la confession, etc. Elles véhiculent un message messianique « persuasif » et « d’espoir » parmi des popula­tions en difficulté, en quête de la survie. Certains experts congolais en matière de religion, interrogés à ce sujet, citent parmi les causes de ce phénomène, la crise écono­mique, la pauvreté, l’insécurité so­ciale, les problèmes de sorcellerie, souvent à la base du phénomène « Enfants de la rue », le manque de repères sûrs, la loi de la jungle, les maladies incurables, l’incertitude du lendemain et l’avenir incertain pour la famille.

Ce tableau dépeint n’est pas ex­haustif et constitue un terrain pro­pice pour ces Eglises de réveil qui prêchent principalement des so­lutions aux divers problèmes aux­quels font face les Congolais.

Elles promettent à ces derniers des lendemains meilleurs.

Ce discours, parfois « démago­gique », mobilise les masses en majorité pauvre et analphabète, ne maîtrisant pas les écritures saintes. Ainsi, les Eglises de réveil réussissent bien parmi celles-ci envers qui elles développent un message particulier et aux enjeux précis s’articulant autour du salut de l’âme, de la santé du corps, de la protection contre les mauvais esprits, du bien-être matériel et social.

Ce discours bien attrayant tenu au­près des populations en euphorie, croyant avoir trouvé le bonheur, assume ainsi des fonctions messia­niques et prophétiques au sein de la société congolaise tourmentée par la peur de l’avenir. Les muta­tions culturelles introduites par les Eglises de réveil dans leur méthode de prière ont une incidence socio­logique sur l’ensemble du christia­nisme et ont entraîné de nouvelles pratiques de langage religieux par­mi des populations qui attendent du ciel la nourriture quotidienne, une protection divine contre le mal, la bénédiction, la guérison, la délivrance, l’obtention des visas pour émigrer.

Par leur message religieux savam­ment développé, les Eglises de réveil détiennent tout un capital culturel qui impose son style de langage et galvanise les énergies de masses gagnées par la prière avec trois moments forts pour elles : la dévotion, le combat et les re­merciements à Dieu en face des « pasteurs » qui s’estiment être les bergers au service du Christ et re­jettent les credo d’autres Eglises, notamment l’Eglise catholique romaine qui a vu ses nombreux fi­dèles la déserter pour rejoindre les Eglises de réveil auprès desquelles ils déclarent recevoir de vrais en­seignements religieux.

L’Eglise catholique, étroitement liée jadis à l’histoire coloniale du Congo-Kinshasa, s’est trouvée à cette époque derrière le colonisa­teur dont elle tolérait tacitement les méthodes de gestion. En ce moment-là, elle ne transmet pas au peuple les vrais enseignements bi­bliques. La Bible est formellement interdite. Ceux qui osent s’en servir se retrouvent traqués et contraints de vivre en clandestinité.

Des fidèles catholiques suivent religieusement la messe dans la paroisse Saint Joseph de Kahuka, à Kinshasa. 29/01/2023 ( Photo ACP, Blaise Irenge)

Dans les villages de leur pays colo­nisé, ils sont considérés comme les « hors-la-loi ».

Les Congolais chrétiens ne peuvent que se contenter des extraits extir­pés de l’ancien testament ou du nouveau testament pour écou­ter quelques bribes de l’évangile prononcées par le célébrant de la messe sans permettre aux fidèles de suivre la vraie parole de Dieu. D’autres pratiques religieuses dé­cevantes, et non de moindres sont observées, comme celle de la confession des péchés avec comme interrogation de savoir si réelle­ment un prêtre avait un « pou­voir céleste » d’effacer le péché. Il arrivait souvent de constater que celui qui confesse avoir volé par exemple une chèvre se retrouve arrêté. L’Eglise se transforme en agent de sécurité et de renseigne­ment du colonisateur.

Dans sa longue marche, de la colo­nisation à l’indépendance, l’Eglise catholique, solidement implan­tée dans le pays, va enfermer un peuple chrétien dans l’ignorance et l’obscurantisme religieux délibéré­ment entretenus par cette Eglises acquise à la cause du colonisateur. Au lendemain de l’indépendance, la même politique d’aveuglement religieux se poursuit, mettant en lumière un christianisme ambigu.

Cela pousse même un musicien congolais à s’interroger dans une chanson intitulée « Nakomituna­ka » (je me pose des questions sur l’origine de l’homme noirs), et se demande pourquoi peut-on seulement adorer des « statues des Blancs » et non des Noirs. La chanson provoque la colère du Vatican et du cardinal Malula qui va vite se ressaisir pour com­prendre la profondeur du message. Celui-ci met en place un « rite zaï­rois » et instaure le port de pagnes pour des religieuses, mais la façon de célébrer la messe reste la même sans la parole de Dieu enseignée aux fidèles.

Hémorragie freinée

Ainsi, devant un nouvel espace de discours distillé par le déferlement des Eglises de réveil, l’Eglise catho­lique opère des réajustements reli­gieux en son sein, surtout avec la mise en place des groupes charis­matiques pour donner désormais des enseignements bibliques à ses fidèles.

Elle réussit à freiner l’hémorragie dans ses rangs et reste toujours la toute première Eglise puissante qui compte plus de fidèles que les autres églises en RDC, où son in­fluence politique est très considé­rable sur la vie publique depuis l’indépendance à nos jours. Elle intervient souvent sur la scène politique pour interpeller les di­rigeants sur tel ou tel sujet qu’elle juge de « dérapage » ou « négatif ». Les positions politiques sont sou­vent tranchées. Elles ne datent pas d’aujourd’hui.

Elles remontent à l’époque de Mo­butu avec le Cardinal Malula.

La visite du Pape François, 87 ans, est un événement majeur pour donner encore un souffle nouveau à l’Eglise catholique congolaise, en vue d’élargir son espace et de mobiliser ses troupes autour de sa doctrine qu’elle incarne à travers le pays.

Toutes les rencontres que le Pape aura et les discours qu’il pronon­cera durant sa visite sont autant d’atouts majeurs pour l’Eglise ro­maine de consolider sa prise reli­gieuse sur les populations congo­laises et d’assurer sans crainte sa résilience face à l’émergence des Eglises de réveil dont le mercanti­lisme est patent parmi leurs fidèles.

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