Kinshasa, 8 août 2024 (ACP).- Les violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC) à l’endroit des femmes constituent une violation des droits ignorés par la majorité de la population. C’est un obstacle au développement et à l’épanouissement des victimes et la loi de 2006 condamnant les auteurs à 20 ans de prison avec des dommages à payer.
Cependant, plusieurs femmes y sont exposées, dans les zones de conflits comme dans celles de paix. A Kinshasa comme ailleurs, la plupart des vendeuses ambulantes sont souvent victimes de harcèlements ou des violences sexuelles.
Elles sont malheureusement obligées de garder leur histoire secrète et vivent dans la peur et le désespoir, par peur des préjugés et des pesanteurs socioculturelles. Dans leurs activités lucratives quotidiennes, des vendeuses ambulantes tombent souvent entre les mains des arnaqueurs et/ou des violeurs qui se font passer à l’avance comme des clients. Elles font quotidiennement face à des stigmatisations et préjugés dans l’exercice de leur travail.
Règlement à l’amiable
Nombreux cas de violences sexuelles font l’objet de règlement à l’amiable, souvent perçu comme la plus efficace de procédure judiciaire. Cependant, ces mécanismes ne tiennent pas compte de l’intérêt de la victime.
Ils sont souvent encouragés par les autorités, en l’occurrence, des officiers de la Police nationale congolaise (PNC) et certaines autorités judiciaires (magistrats ou juges).
Dans ce scénario, c’est généralement le chef de la famille de la victime et celui de l’auteur qui concluent le règlement en écartant ainsi la victime du processus. Une vendeuse ambulante des pains dans la commune de Mont-Ngafula (ouest de Kinshasa), qui a requis l’anonymat a indiqué que sa fille avait été violée à l’âge de 17 ans par deux jeunes garçons, alors qu’elle vendait des légumes au quartier Ma campagne dans cette commune.
«Deux jeunes garçons l’ont entraînée dans une parcelle isolée, prétextant que leur mère malade voulait acheter sa marchandise. Une fois à l’intérieur, les deux jeunes gens l’ont violée et ordonnée de ne rien dire. Après cela, ma fille était devenue triste. Nous avons dû la forcer, même la frapper pour qu’elle se confie enfin », a-t-elle déclaré.
«Mon mari a dû accepter un arrangement à l’amiable avec la famille des auteurs et nous avons envoyé l’enfant au village auprès de ma sœur pour éviter qu’elle soit stigmatisée», a-t-elle ajouté.
Accès difficile à la justice pour les victimes
Contacté par l’ACP, Me Liévin Gibungulu, coordonnateur de la « Ligue zone Afrique pour la défense des droits des enfants, élèves et étudiants (Lizadeel) a fait savoir que le viol des vendeuses ambulantes est d’actualité dans la capitale.
« Selon les études menées à Kinshasa par notre structure et certains partenaires techniques, il a été prouvé que 10% des vendeuses ambulantes sont victimes silencieuses des violences sexuelles. Malheureusement, la majorité ne veut pas dénoncer de peur des représailles », a-t-il déclaré.
«En raison de la stigmatisation associée au viol, les victimes sont souvent rejetées par leurs maris, familles et leur communauté. En conséquence, dans beaucoup de cas, les victimes des violences sexuelles préfèrent se taire de peur d’être humiliées, incriminées ou exclues d’un soutien psychologique ou économique», a-t-il précisé.
Et de faire remarquer : « Bien que certaines ONG proposent gratuitement une assistance juridique, ces programmes ne peuvent malheureusement pas donner satisfaction aux besoins des victimes car, plusieurs victimes des violences sexuelles ne sont pas à mesure d’accéder à la justice en raison des contraintes financières et ne peuvent pas se permettre d’abandonner leurs activités génératrices de revenus pour suivre les procédures juridiques, incluant plusieurs coûts et frais, y compris les frais de justice, coût de transport, des analyses et des réquisitions médicales».
La lutte contre l’impunité face aux violences sexuelles requiert l’existence des institutions répressives avec des capacités et des ressources suffisantes.
La stigmatisation sociale et le manque de sécurisation obstruent l’accès à la justice par la plupart des victimes. L’absence de prise en charge médicale et psychologique adéquate et de mécanismes de réparation constituent également un frein à toute action.
La loi de 2006 complétant et érigeant en infractions différentes formes de violences sexuelles, jadis non incriminées, n’a pas joué le rôle attendu, d’autant plus que l’impunité dont jouissent les auteurs de ces abus constitue un des obstacles majeurs à l’indemnisation et la justice en faveur des victimes.
ACP/