Violences conjugales en RDC : le manque de lois spécifiques pénalise les victimes (Par Tanya YEME)

Kinshasa, 19 avril 2024(ACP).-  Les violences domestiques sont une réalité dans plusieurs ménages de la République démocratique du Congo (RDC). La fréquence des actes de violences conjugales est si répandue qu’elle devient normale pour plusieurs personnes. Pourtant, elles exposent la santé physique et mentale des victimes et, dans certains cas, elles peuvent amener à la mort. Selon une enquête du Réseau des hommes engagés pour l’égalité du genre (Rheeg-RDC), 80% de femmes mariées ne cherchent de l’aide ni ne dénoncent car elles ne perçoivent pas les violences conjugales comme un mal, non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour la société.

Des nombreuses femmes ignorent que les violences sexuelles entre conjoints sont illégales et que les victimes peuvent les dénoncer auprès des instances compétentes.

Il a été également démontré que la pauvreté livre des jeunes filles au phénomène «yaka tovanda», une forme de mariage informel ou cohabitation précoce. Dès l’âge de 14 ans, 52% des femmes ont subi des violences physiques où le partenaire est cité comme responsable dans 62,9% des cas, tandis que 53% d’entre elles qui vivent en union libre subissent au quotidien des actes de violence conjugale physique, psychologique et sexuelle alors que 80% des femmes les trouvent justifiées. La législation congolaise n’a pas réglé certaines lois permettant de mieux défendre les victimes. Le cadre juridique actuel de la RDC ne permet pas de décourager et de combattre efficacement les violences conjugales. L’absence de lois spécifiques et des mesures adaptées à leurs besoins spécifiques constitue un grand obstacle pour l’accès à la justice.

Elles tombent sous les dispositions ordinaires du code pénal, étant assimilées, soit à des coups et blessures, soit au viol. Pourtant ces mauvais traitements exposent la vie de plusieurs femmes. Le législateur congolais devait en principe réviser le code pénal en incriminant expressément les violences domestiques. Il doit également finaliser la révision de la stratégie nationale de lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) en définissant des actions spécifiques sur les violences domestiques, notamment la sensibilisation de la population ainsi que la formation des autorités judiciaires compétentes et celles de la Police. Cela implique l’allocation des ressources conséquentes pour sa mise en œuvre.

L’Etat doit assurer la gratuité de la procédure judiciaire pour les survivantes des violences conjugales car le manque d’argent ainsi que les us et coutumes constituent un handicap de taille pour l’accès à la justice. Il doit également prendre des mesures de sécurisation qui s’imposent pour les survivantes.

Les us et coutumes handicapent l’accès en justice Le droit coutumier et certains dogmes religieux ne reconnaissent pas les violences conjugales. Ce qui handicape l’accès en justice. Dans certaines coutumes, le fait de donner en mariage une fille mineure est un devoir. Et selon les us et coutumes de notre société, lorsqu’un homme veut consommer le mariage de force, les traditions les considèrent comme un droit légitime. Me Liévin Gibungula, coordinateur  à la Ligue de la zone Afrique pour la défense des enfants et des élèves (LIZADEEL) a fait savoir que les violences conjugales constituent une infraction, bien qu’il n’existe pas encore des lois spécifiques en la matière. Il existe des infractions dans le cas de violences verbales et des coups et blessures. Pour cela, la victime doit dénoncer afin de permettre aux autorités de réprimer l’auteur

« Souvent les victimes ne portent pas plainte. Quelques-unes dénoncent, malheureusement, la plupart d’entre elles se rétractent par la suite à cause des préjugés ». Les articles 46 et 47 du code pénal, a-t-il précisé, stipulent : « Quiconque a volontairement fait des blessures ou porté des coups, est puni jusqu’à six mois de prison.

La peine peut aller à cinq ans si les coups et blessures ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel ». « Si la femme dénonce et qu’il est prouvé qu’il y a eu violences conjugales, le mari peut écoper d’au moins 3 ans de prison ferme suivis des dommages et intérêts civils. Cela dépendra de la gravité des blessures.

Et si ce sont des blessures causant l’infirmité à la femme, la peine peut doubler, avec des dommages et réparations, impliquant des frais médicaux pour le dégât causé », a-t-il martelé.

Une victime qui a requis l’anonymat, a confié à l’ACP : « Le mariage est sacré dans ma tradition. C’est le chemin du non-retour. Le divorce est considéré comme un échec pour la femme. L’Eglise même est contre le divorce car le mari est le maître de la femme ».

« J’ai peur de dénoncer mon mari car si aujourd’hui je divorçais, mes enfants me seront arrachés et maltraités par une marâtre. Et quel homme voudra me prendre en mariage sachant que j’ai traîné en justice le père de mes enfants?», s’interroge-t-elle.

La femme mérite d’être respectée et protégée, qu’il est impératif de mettre en place certains mécanismes pouvant la sécuriser. Nous ne pouvons pas parler d’un Etat de droit dans un pays où une femme sur dix courts les risques de perdre sa vie chaque jour, alors qu’elle est actrice du développement.

ACP/C.L.

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