Kinshasa, 11 février 2025 (ACP).- L’enseignement des chansons du chanteur Joseph Kabasele Tshamala dit «Grand Kallé» a été préconisé, dans les écoles de musique en République démocratique du Congo (RDC), par un expert culturel, lors d’un entretien mardi en marge de la commémoration des 42 ans de sa disparition.
« En marge des 42 ans de la disparition du chanteur Joseph Kabasele Tshiamala dit Grand Kallé ou «Kallé Jeff» pour les intimes, le 11 février 1983 à l’âge de 53 ans, je préconise que ses œuvres soient confinées en partitions et enseignées dans les écoles de musique », a déclaré Herman Bangi Bayo, journaliste et expert en musique congolaise.
« Les chansons de Grand Kallé sont des intemporelles et des standards de la rumba congolaise. Elles doivent également se retrouver au musée dans la section musicologie pour permettre aux chercheurs et aux musiciens de les consulter », a-t-il ajouté.
Selon lui, les chansons de Joseph Kabasele Tshiamala ont marqué d’une pierre blanche l’histoire musicale de la RDC, voire aussi son histoire politique. « En plus des ouvrages qui existent sur lui, on peut également faire des documentaires pour parler de l’auteur du fameux “Indépendance cha cha”, une pièce de rumba congolaise jouée lors de la Table ronde réunissant le 27 janvier 1960 à Bruxelles, en Belgique, les responsables politiques belges et congolais pour fixer la date de l’indépendance du Congo Belge qui sera le 30 juin 1960. Réalisée avec Docteur Nico et L’African Jazz, “Indépendance Cha Cha” est devenu l’hymne à la liberté pour les pays africains accédant à l’indépendance », a-t-il indiqué, avant d’inviter les générations à l’étude minutieuse et attentive des œuvres de cet artiste considéré comme le père de la musique congolaise pour y avoir introduit des instruments modernes.
« Comme on le dit, tous les musiciens de la rumba congolaise ont quelque chose de Grand Kallé car c’est lui qui a donné à notre musique ses lettres de noblesse. Avant lui, il existait des groupes musicaux qu’on appelait des groupes vocaux, une sorte de musique tradi moderne qui privilégiait les improvisations », a-t-il conclu.
Parcours d’un précurseur de la rumba congolaise moderne
Né le 16 décembre 1930 à Palabala, près de Matadi, dans la province du Kongo Central, Kabasele Tshamala passe le reste de sa vie à Léopoldville (actuelle ville de Kinshasa), où ses parents se sont installés quelques jours seulement après la naissance du « Petit Joseph».
Comme beaucoup d’enfants de son âge, il commence ses études primaires à l’Institut Saint Joseph (Collège Elikya), avant de poursuivre son cursus normal à l’Ecole moyenne Saint Raphaël dans la commune de Limete. Comprenant ses talents, alors que lui-même l’ignorait encore, la chorale de son école le récupère. Pour cause d’écarts de conduite, Kabasele Tshamala et ses quelques amis sont renvoyés de l’école.
C’est de là que Kabasele embrasse la vie professionnelle, où il est utilisé comme sténodactylographe, un métier qu’il a bien appris à l’Ecole moyenne St Raphaël (Economoraph). Entre temps, la musique se réveille en lui. C’est ainsi qu’en 1951, il décide alors de créer African Jazz, après avoir accompagné le guitariste Zacharie Elenga dans la réalisation de ses différentes chansons sous le label de la Maison Opika de Moussa Bénathar. Mais, il a fallu attendre encore deux ans pour que l’orchestre African Jazz démarre effectivement ses activités.
En 1953, Kallé, avec sa formation musicale, connaît un succès grâce aux chansons telles que «Nzelamosika», «Parafifi» ou encore «African jazz». Quelques années plus tard, la scène musicale congolaise est secouée par la montée en puissance de l’Ok Jazz. Franco et ses amis conquièrent les cœurs des mélomanes kinois et gagnent aussi du terrain. Kallé, de son côté, se sent embarrassé surtout avec la décision de Moussa Bénathar d’abandonner les activités liées à l’édition musicale. Face à cette situation, Kalle Jeff passe du côté de la Maison d’édition Esengo. Malgré cela, Ok Jazz a toujours le dessus. L’année 1960 a été plus salvatrice pour l’orchestre African Jazz avec l’invitation à participer aux travaux de la Table ronde de Bruxelles.
D’où, la composition et l’interprétation des célèbres chansons «Table ronde» et «Indépendance chacha», indique Jean-Pierre François Nimy Nzonga dans sa publication intitulée «Dictionnaire des immortels de la musique congolaise moderne». Profitant du séjour bruxellois, Kallé noue de bons contacts pour relancer les activités du groupe. Surtout que Kabasele Tshamala et son African Jazz ont laissé bonne impression durant le déroulement des travaux de la Table ronde, poursuit la même source. Ils ont presté sur plusieurs sites durant cette courte période passée en Belgique. Kallé fait alors son entrée à la Maison d’édition « Decca-Fonior »via sa représentation à Léopoldville, l’Edition congolaise du disque (Ecodis).
En 1961, le chanteur congolais décide finalement de mettre en place ses propres éditions musicales baptisées «Surboum African Jazz». Ses premiers enregistrements avec cette nouvelle Maison d’édition sont entre autres «Bamonakiyo na Usumbura», «Jamais Kolonga», «Lolo Brigida», etc. ont participé à ses réalisations depuis la Belgique: Tino Baroza, Edo Clary Lutula, Roger Izeidi, et le saxophoniste camerounais Manu Dibango. Ce, après le départ de Vicky Longomba, Nico Kasanda, Déchaud Mwamba et autres.
Pendant cette période, le succès de «Surboum African Jazz» est total, rapporte-t-on, de certains témoignages qui ajoutent en même temps que l’apport de Franco Luambo Makiadi et de son OK Jazz a été non négligeable. Généralement, le succès mal géré occasionne la chute. C’est pratiquement ce qu’a connu Kalle Jeff. En 1963, celui-ci est resté seul. Ses copains ont décidé de quitter le groupe et vont créer l’orchestre African Fiesta. Loin d’être fatigué, Grand Kallé tente avec succès de réveiller son orchestre African Jazz avec surtout l’acquisition d’un instrument de musique lui offert par un grand mécène de l’époque, à savoir Jean Foster Manzakila.
Kallé recrute alors ses nouveaux lieutenants, notamment Jeannot Bombenga, Papa Noël Nedule, Matthieu Kuka, Rolly Nsita et les autres. Véritable essor ! Ils sont passés de succès en succès pendant plusieurs années avant que la flamme ne s’éteigne. Ambassadeur de la RDC partout où il est passé, Kabasele Tshamala a particulièrement jeté un pont entre la RDC et Cuba. Ces deux pays se reconnaissent mutuellement par la musique. Aujourd’hui, le peuple cubain, qui a vécu cette belle époque, reste très attaché à la musique de Grand Kallé et reconnait ses capacités artistiques, essentiellement d’un chanteur attitré. Chaque année, les Cubains se souviennent de lui à travers des manifestations organisées à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, renseignent certaines sources.
Voilà pourquoi 42 ans après sa mort, Grand Kallé reste toujours immortel. Décédé le 11 février 1983 à Paris, le patron de l’orchestre « African Jazz » est considéré comme le père de la « Rumba congolaise moderne » et le premier Congolais à avoir monté un groupe musical dans sa forme actuelle. Tout compte fait, Grand Kallé qui demeure immortel grâce à ses nombreuses œuvres musicales mythiques avait accueilli de nombreux musiciens de renom, tels que Pascal Sinamoyi Tabu Ley dit ‘’Rochereau’’, Jeannot Bombenga, Nico Kasanda, Manu Dibango et autres. Il figure parmi les précurseurs de la rumba congolaise. ACP/