Gouvernement Suminwa : l’impératif de la rupture ( Par Bienvenu-Marie Bakumanya)

Se battre pour sa propre chapelle. Oublier l’exigence du développement collectif au nom de l’ambition personnelle. Parier sur la disparition de la Nation pour compenser ses propres frustrations et flatter un égo érigé en norme de gestion. Sacrifier l’humilité sur l’autel de l’arrogance sublimée en projet et paradigme, …

Le mal congolais qui n’arrête pas de détruire la République démocratique du Congo offre aujourd’hui un spectacle insoutenable quand, face à une guerre et ses multiples massacres oubliés qui accablent les populations dans l’Est, mais aussi à la misère qui gangrène le tissu social, les intrigants n’offrent comme réponse que leur capacité à subjuguer les consciences traumatisées, à assiéger la République et ses institutions. Principal et unique objectif pour ces leaders : occuper les portefeuilles ministériels, les entreprises de l’Etat et d’économie mixte afin d’accéder au pouvoir ainsi qu’à la jouissance que ce dernier procure.

L’inversion du paradigme est tel que la compétition négative, les rivalités, les divisions et le cynisme ont fini par subjuguer toute rationalité parmi les élites et pris le pas sur ce qui, ailleurs, constitue le socle des normes consensuelles de gestion et de l’ambition commune comme clé pour l’accès à tout rêve de puissance et de développement.

« Ça passe pour moi et les miens, ou ça casse pour tout le monde ! » Il n’était pas rare, ces dernières semaines, d’assister dans les salons politiques, à de curieux échanges et à d’insolites déclarations dans l’unique but d’imposer, par la menace, l’intrigue ou la compromission, telle ou telle clé de répartition des portefeuilles ministériels, généralement contraire au slogan du « peuple d’abord », et de prendre à contrepied la vision du Président de la République, chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, pourtant seul comptable du bilan de son deuxième mandat qui vient de commencer.

Bousculade au portillon

Les derniers échos en date que renvoie le bourdonnement du microcosme politico-médiatique congolais est à ce sujet peu rassurant sur la formation du gouvernement à venir, au point que la Première Ministre alarmée a été obligée d’appeler tout le monde à la diligence, parce que le temps presse et que les enjeux sont multiples.

Seulement voilà : il y a comme un terrible malentendu, annonciateur d’un vaste désenchantement, entre la perception que les élites ont de l’appel de la Première Ministre et ce qu’en attend la population. Là où les leaders ont cru percevoir un appel à accélérer le tempo pour leur permettre d’accéder aux postes qu’ils convoitent, les citoyens anonymes s’attendent pour leur part à un accent, certes, sur le « facteur temps » par rapport aux enjeux qui pressent tout le monde. Mais aussi sur le facteur compétence pour une prise en charge responsable des dossiers de l’Etat. Une prise en mains des dossiers par les ministres qui ne devrait pas donner lieu à une période de stage ou de flottement parce qu’aucune grâce ne sera accordée à ce Gouvernement. Malheureusement.

Il y a, enfin, le facteur moral, en termes de probité et de rigueur, que ceux qui déploient sans se gêner ou encore sans froid aux yeux leurs ambitions voraces, sont loin d’offrir à la nation dans un environnement de plus en plus féroce.

Rupture totale avec le passé

En d’autres termes, ce que les Congolais demandent avec insistance à ce jour, ce n’est ni plus ni moins une rupture. C’est de voir le Président de la République rompre définitivement, dans le discours comme dans la démarche, avec un passé qui ne cesse d’attirer le pays vers l’abîme. C’est de ne plus répéter, selon son propre mot, les erreurs du passé qui ont plongé la Nation dans les profondeurs du désespoir. Un certain entourage, certains collaborateurs et même certains souffleurs se retrouvent dans ce cas. Il y aura – c’est vrai – des pleurs et des grincements des dents. Mais on ne peut se faire une omelette sans casser les œufs, mais le président Tshisekedi n’a à ce stade aucun autre choix que de lancer le signal que la Nation congolaise attend avec un courage politique déterminé à renverser les autels, comme le répètent sans trop y croire eux-mêmes, évangélistes et pasteurs, qui ont bâti avec cynisme les leurs à l’ombre de l’Etat et du peuple !

Faute de quoi, le désenchantement sera l’horizon le plus proche, avec tous les effets pervers que cela implique.

D’ici-là, il faut se féliciter que le premier signe sur le chemin de l’exigence du renouveau ait eu comme symbole la nomination de Madame Judith Suminwa Tuluka comme Première Ministre de la République le 1er avril dernier. Une nomination qui représente certes dans le chef du Président de la République le triomphe de la démarche de la masculinité positive, loin des slogans creux sur l’approche genre et la parité, mais aussi une ère de renouveau moral dans la gestion des affaires de l’Etat, comme seule peut et devrait la symboliser une femme pétrie de compétences et d’expériences, surtout une mère de famille appelée à devenir celle d’une Nation à la recherche de ses repères moraux et spirituels et faisant face à une guerre injuste d’agression.

Des critères sans complaisance

Probité et compétences constituent donc la subtile combinaison que devront mettre en œuvre le chef de l’Etat et sa Première Ministre en termes de critères, mais surtout au regard des défis qui attendent le gouvernement et de l’engagement du Président de la République à éviter les erreurs du passé.

Sur le plan de la compétence, il y a lieu d’insister particulièrement sur le fait que le gouvernement Suminwa Tuluka est attendu pour démarrer au quart de tour, d’autant qu’il ne bénéficiera d’aucune période de grâce. La démarcation devra ainsi être faite pour consacrer une rupture réelle et totale avec les pratiques du passé.

Il est même incroyable d’assister de nos jours à des spectacles indécents dans lesquels des ministres cités dans plus d’un scandale s’évertuent à mobiliser des soi-disant « communicateurs », de plus en plus pathétiques, pour convaincre leurs compatriotes supposés naïfs, qu’ils n’ont jamais été que d’humbles serviteurs de la patrie et de fervents défenseurs de la République !

Le chemin sera évidemment difficile et les tentations ne manqueront pas dans un sens comme dans l’autre. Il ne faudra pas seulement à Mme Suminwa Tuluka de s’armer moralement et spirituellement, elle et ses ministres. Elle devra s’attendre à des coups bas et à des intrigues que ne manqueront pas de lui asséner ses rivaux, à des peaux de bananes que lui glisseront ses détracteurs ainsi qu’une opposition qui semble tout de même déboussolée face à une tournure des événements qu’elle n’avait jamais envisagée.

Elle devra se préparer à présenter une offre différente, à surprendre dans la conduite de la politique de la Nation et surtout à rester, comme la femme de César, au-dessus de tout soupçon.

Casting et priorités

Bref, c’est du casting subtil que le chef de l’Etat et sa Première ministre vont opérer que viendra le deuxième signal que le peuple congolais attend pour se faire une opinion claire de la capacité de la prochaine équipe gouvernementale à répondre aux multiples attentes des populations en termes des priorités du prochain programme gouvernemental axées sur les six priorités de son mandat déclinés par le chef de l’Etat lors de son investiture.

Qu’il s’agisse de la santé, la sécurité, l’enseignement, les infrastructures, l’eau, l’électricité, le logement, les déplacés internes, les personnes vivant avec handicap … la liste des défis est longue et non exhaustive.

Félix Tshisekedi et Judith Suminwa Tuluka n’ont pas d’autre option que d’y faire face, surtout après le score imposant de 73,47 % par lequel les Congolais avaient accordé leurs suffrages au Président de la République lors des dernières élections. Ce qui appelle ces derniers à un devoir de vigilance et de contrôle tout en exigeant des prochains membres du gouvernement un devoir d’humilité et d’efficacité pour ne pas prêter le flanc à la critique.

Il va de soi que, dans ce contexte, pour arracher le quitus populaire et obtenir l’appui des masses, toutes les personnalités poursuivies par la clameur publique, ou citées de près ou de loin dans dossiers de corruption et de détournement de deniers publics, devraient s’abstenir de postuler sur la « short list » de trois personnes à proposer au Président de la République et à sa Première ministre. Les regroupements politiques devront procéder au tri préalable, l’objectif étant d’éviter que la clameur publique s’invite dès la présentation de l’équipe gouvernementale et bouleverse toutes les prévisions.

Bienvenu-Marie Bakumanya

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